Yto Barrada Solidité lumière

[Arts Plastiques / Cinéma]

Conçue spécifiquement pour le grand plateau de Césure, site de l’ancienne bibliothèque universitaire de Paris-3, l’exposition Solidité lumière propose un paysage ouvert réunissant œuvres récentes et productions nouvelles de Yto Barrada. Il y est question, entre autres, de revisiter le modernisme, de l’art des radeaux et de la dérive, d’établir des règles ou de s’en affranchir, de tester la résistance des couleurs (leur « solidité lumière ») et d’étudier les métamorphoses des fleurs. 

Au centre de l’espace, à parcourir comme un terrain de jeu, un ensemble suggestif d’œuvres sculpturales – le moulage d’un squelette de dinosaure découvert au Maroc, un lit-radeau en provenance de Tanger, un paravent rose aux rayures bayadères, des casiers à crustacés dont l’assemblage est inspiré par un séjour de l’artiste sur l’île Tangier Island (Virginie, États-Unis) et des tapis devenus diagrammes émotionnels – explore et met en scène les notions de création, de transmission et nos multiples rapports au temps.

À proximité, le film A Day Is A Day (« Un jour est un jour », 2022) éclaire la signification du titre de l’exposition. Il « documente » les activités à la fois très techniques et un brin surréalistes de deux entreprises, situées à Miami et Phoenix, spécialisées dans la mesure de la résistance des couleurs et textiles à la lumière du soleil et au climat. Sur la verrière de l’espace, un geste apparenté est effectué avec du blanc de Meudon, naturel et teinté. La couleur et la lumière comme instruments pour mesurer le temps. Issu de la série « After Stella » initiée en 2018, notamment réalisée à partir de teintures mises au point à The Mothership (Tanger), un ensemble d’œuvres textiles revient sur l’histoire du modernisme en associant des motifs inspirés des peintures géométriques réalisées par l’artiste américain Frank Stella (*1936) dans les années 1960 – dont certains titres arborent des noms de villes marocaines –, avec un processus de production issu de savoir-faire et techniques (la couture, la teinture) longtemps marginalisés et exclus du canon moderniste. La couleur et le pigment comme outil de réécriture de l’histoire.

Enfin, un dernier ensemble réunit photographies, collages, sculptures et posters pour proposer de nouvelles grammaires formelles, chromatiques, éducatives et linguistiques. Échantillons et abécédaires, jeux de mots et de matières, esquisses et exercices à la Fröbel, répertoires et pièces de puzzle soulignent l’intérêt de Yto Barrada pour la culture matérielle, la taxonomie, les processus de production et d’apprentissage collectifs ainsi que la pédagogie par l’expérimentation.